Portrait N°2 : Eric Wyon, éleveur de chèvre et fromager bio dans le Séronais
La quiétude du veilleur de fond
Toute la question est de trouver ses propres réponses.
En mai 68, Eric Wyon a dix-huit ans et quitte Paris le pouce en l’air. La France est en grève et il en profite pour faire du « tourisme révolutionnaire » : c’est sa façon de dire qu’il n’était ni en phase, ni hostile d’ailleurs, aux événements qui secouaient le pays. A la politique, il a toujours préféré les grands espaces.
Il découvre les Alpes, la vie en communauté, et le désir de se rapprocher de lui en harmonie avec un lieu et une circonstance. Il sent très vite que son parcours aura un profil de cimes. Il tente une prépa’ vétérinaire mais ne se résout pas à un destin sur ordonnance. Alors il repart, cherche un lieu et une raison d’y être avec sa femme Francette. « On zonait un peu », reconnait-il. Mais la vie le surprend à la faveur d’un hasard ou presque. Les voilà en Ariège, où l’aspirant vétérinaire rencontre la vache, le lait et le fromage. Il comprend vite que « le fromage ne répond pas à une recette, mais d’abord à une technique ». Fort de ce postulat, il s’inscrit à l’école de fromagerie d’Aurillac et, de retour sur les terres qu’il a fait siennes, près de La Bastide de Sérou, devient technicien auprès de l’Association des fromagers fermiers et artisanaux des Pyrénées (AFFAP).
Choisir le juste et trouver sa place. De Lourdes à la Méditerranée, il connait tous les élevages.
Il parcourt la montagne, l’aime. Mais sa famille lui manque. En 1988, il jette sa blouse blanche de conseiller en fromage des autres, pour faire le sien en étoffant le petit élevage de chèvres que Francette avait engagé pendant ses absences. En ces temps ante-glyphosate, la question du bio ne se pose même pas, le mot lui-même existe à peine : pourquoi aller chercher plus loin que ce que la nature propose ? Eric et Francette Wyon ne revendiquent rien. Ils font simplement ce qui leur semble juste. Des chèvres, de l’herbe, et le fromage comme une conséquence évidente.
« Je suis un rural, pas un ancien citadin. Chaque endroit a sa propre vie. Moi, c’est le paysage qui me détermine et je le respecte ». Eric Wyon se considère comme un invité sur ses propres terres. Il prend soin du vivant comme de lui-même. Il est en harmonie avec les chauves-souris qu’il héberge et le frêle azuré des mouillères, papillon rare qui vit dans ses gentianes qu’il ne fauche jamais.
Il est en veille, aussi. En 2001, il a contribué à relancer le CIVAM Bio de La Bastide de Sérou, dans laquelle il reste investi. Il organise la foire « Ariège en bio ». Il ne voudrait pas que, par opportunisme, l’idée du bio se galvaude. Eric Wyon aime les choses en place et craint la barbarie ordinaire, celle qui s’ignore. Il confie aujourd’hui le destin de son élevage à ses enfants. Il ne fait toujours pas de politique mais il pense qu’à sa façon, il a une vie de militant. C’est un veilleur.
Philippe MOTTA
Famille Wyon
Le Pla de la Borde
09240 La Bastide-de-Sérou
05 61 64 54 06
mondely.chevre@orange.fr
www.produits-parc-pyrenees-ariegeoises.fr
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