Portrait N°8 : Le gîte du Carmil

Le rêve communautaire, manufacture du réel

 

Le hameau en chantier adossé à la colline. Où est le point à partir duquel l’utopie doit intégrer le concret ? Jacques Guinois n’a jamais cherché la réponse : il ne s’est jamais posé la question. Il est pourtant arrivé ici, porté par un rêve de communauté où la vie serait mise en partage, loin des villes et tout près de l’autarcie. En 1977, avec une poignée d’amis bercés par la même intention, il s’installe à Layos, un hameau qui faillit être oublié par les routes, près d’Esplas de Sérou. La fine équipe achète quelques vestiges de granges et étables et se met au travail. Oui, mais lequel ? Breton, flanqué d’un Bac Pro technicien du bâtiment, Jacques Guinois évalue en mètres de charpente et brouettes de ciment le chemin qui reste à parcourir, alors que d’autres ne voient que l’eau fraîche et l’amour qui berce ce balcon sur l’Arize.  « C’était la maison bleue adossée à la colline », se souvient-il en se remémorant les allées et venues d’une génération en quête « d’autre chose ». Mais, alors que ses compagnons de route sont pleins d’idées, Jacques Guinois veut du tangible. Les intentions le motivent, l’action l’accomplit. C’est un homme de main.

De la communauté à l’intérêt public, le réel comme boussole. On le pressent, la philosophie de la communauté ne survit pas aux exigences posées par les toits qui fuient et la nécessité d’avoir chaud l’hiver. Ses compagnons se dispersent, Jacques Guinois, lui, reste attaché à cet ensemble de maisons dont il connait les pierres et les poutres… qu’il a lui-même changées. Plus largement, il a vissé une enseigne d’entrepreneur en maçonnerie, charpente et menuiserie, ce qui lui permet d’investir le canton, de le parcourir, d’en connaître les gens. Il a jeté la clé de sa vie d’avant, mais ne s’est pas renié : toujours attentif aux idées, aux projets neufs. Il s’en empare sous l’angle exclusif du possible. « J’ai gardé le sens du collectif, et avec la maturité j’ai découvert l’intérêt public ». Un altruisme qu’il nourrit de son expérience pour créer la première entreprise d’insertion par la menuiserie en Ariège. Il se laisse séduire par la politique, comme un prolongement naturel de l’esprit qui l’a toujours inspiré : « j’ai fait du réel », résume-t-il pour expliquer qu’il n’a jamais milité pour un parti mais œuvré pour la collectivité. Il n’a pas quitté des yeux l’étoile qui l’a conduit jusqu’ici : « j’ai toujours considéré ce lieu comme une communauté ». Elu maire de l’Esplas, il évite le naufrage de l’école et reste encore ému à ce souvenir.  Il a aujourd’hui rendu son écharpe mais reste membre de l’association qui unit la plupart des habitants du hameau pour faire des granges et anciens ateliers de Layos, un gîte protéiforme, Le Carmil, où se côtoient camping, salles communes, et bien sûr des chambres et dortoirs, ouvert toute l’année. « La mentalité demeure », dit-il en laissant le soin à Marie Lefrançois, de gérer l’accueil et prendre en charge les arrivants. Lui, il rectifie par-ci et rebâtit par-là, « parce que le confort, c’est bon pour la convivialité ». Il tient à garder l’esprit des lieux, dans le respect de son utopie concrète. En homme de faire.

Philippe MOTTA

Gite associatif Le Carmil
Layos
09420 ESPLAS DE SEROU
06 81 77 33 99
https://www.lecarmil.com/

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